Hier soir, pour la première fois, j’ai vu Alain Souchon sur scène. C’était au Forum de Liège.
Alors oui, je vous entends déjà : « Mais Souchon, ce n’est pas très rock… » Et ce n’est pas faux. Mais il fait partie de ces rares artistes de la chanson française qui me touchent profondément. Mon cœur penche davantage vers Londres que Paris, c’est vrai — question de culture, d’histoire, et surtout de musique — mais il y a chez lui quelque chose d’universel qui dépasse les styles.
Ce qui m’a toujours séduit chez Souchon, c’est sa différence. Son étrangeté douce. Cette manière d’être là sans vraiment y être, comme s’il observait le monde depuis une autre rive. Certains diront qu’il est « à l’ouest », moi je dirais surtout qu’il n’est jamais là où on l’attend.
À mille lieues de l’image stéréotypée du chanteur macho de sa génération, il a toujours cultivé une forme de tendresse assumée, sans jamais craindre le regard des autres. Dans cette façon d’être à contre-courant, dans ce militantisme de la douceur, il me rappelle un artiste américain que j’admire pour des raisons similaires : Jonathan Richman.
Hier, accompagné par ses deux fils, Pierre et Charles (alias Ours), il nous a emmenés pour plus de deux heures de rêveries musicales, teintées d’humour et d’humanité. Oui, cette fameuse humanité, celle qu’on a trop souvent tendance à reléguer au second plan, comme si elle était devenue un mot gênant, presque tabou. Et pourtant…
Généreux, il nous a offert 28 morceaux. Une setlist superbe, ponctuée de classiques réinventés en trio guitare-piano-voix — « C’est déjà ça », « Et si en plus y’a personne », « Le Baiser » — et parsemée de pépites plus anciennes comme « Rame », « Poulailler’s Song », ou encore « La p’tite Bill, elle est malade ». (Je vous mets la setlist complète en commentaire.)
À l’aube de ses 81 ans, qu’il fêtera dans un peu plus d’un mois, Alain Souchon continue à chanter avec une justesse et une élégance rares. Mais ce qui touche le plus, c’est cette complicité sincère avec ses fils. Une intimité discrète, ponctuée de vidéos d’archives, sublimée par une scénographie tout en finesse et en poésie.
Et c’est bien de poésie qu’il s’agissait, hier soir. Une soirée suspendue, hors du temps, qui nous rappelle — s’il fallait encore le faire — que Souchon est l’une des plus belles plumes de la chanson française, du XXe siècle et du début du XXIe.
Merci, monsieur Souchon.



