Springsteen: Deliver Me From Nowhere – Au cœur du silence

J’ai sans doute découvert Bruce Springsteen à rebours.
Non pas par ses hymnes fédérateurs ou ses solos incandescent aux côtés du E Street Band, mais par la voix fragile et chuchotante de ses albums folk : Nebraska, The Ghost of Tom Joad, Devils & Dust.

Adolescent, j’étais fasciné par cette écriture dépouillée, ces récits hantés qui faisaient écho à Dylan, Pete Seeger ou Woody Guthrie. Plus tard, j’ai appris à aimer le Springsteen des grandes scènes, celui du New Jersey et de la ferveur collective. Mais c’est le premier, le conteur des marges, qui m’a le plus marqué.

C’est justement ce Bruce-là qu’explore Deliver Me From Nowhere, biopic centré sur la genèse de Nebraska, une œuvre risquée, essentielle, et profondément humaine.

On y retrouve des éclats de son enfance, la relation tourmentée avec son père, mais surtout cette lutte intérieure pour imposer un disque à contre-courant de tout ce que son label attendait alors d’un artiste en pleine ascension. L’exactitude des détails laisse d’ailleurs entrevoir qu’un autre film pourrait un jour s’intéresser à une autre période de sa vie, tant elle fut foisonnante.

Comme son autobiographie Born to Run, Deliver Me From Nowhere s’articule autour d’un fil rouge : la dépression. Cette maladie sourde, invisible, traverse le film comme une ombre persistante.
L’album Nebraska, brut et sans fard, devient ici le symbole d’un combat contre la douleur, une métaphore de la résilience face à l’obscurité intérieure.

Scott Cooper signe une œuvre sensible, lente, presque méditative. On y plonge dans les émotions, les silences et les doutes d’un Springsteen jeune adulte. C’est un film d’auteur plus qu’un biopic hollywoodien à effet clippé. Une approche rare, respectueuse, et profondément juste.

Et puis, il y a Jeremy Allen White. Sobre, habité, jamais caricatural, il incarne le Boss avec une intelligence rare : celle de comprendre l’homme avant la légende.

Deliver Me From Nowhere ne cherche pas à glorifier Bruce Springsteen. Il le regarde en face. Et c’est sans doute pour cela qu’il touche si juste.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *