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Patti Smith au Cirque Royal – la rage intacte, 49 ans plus tard ✊

(Patti Smith au Cirque Royal de Bruxelles, concert du 15 octobre, photo par Laurent Rieppi)

  1. Patti Smith et son groupe assurent la promotion de Horses, leur tout premier album, sorti quelques mois plus tôt. Plusieurs concerts marquent cette première tournée européenne, dont des dates à Bruxelles 🎤. Des images mythiques seront d’ailleurs immortalisées par la RTBF lors de son passage au Cirque Royal, en octobre de cette même année.

Quarante-neuf ans plus tard, Horses est devenu une pierre angulaire de l’histoire du rock. À l’aube de son 50e anniversaire, une réédition spéciale vient d’être annoncée… et Patti revient sur les planches du Cirque Royal pour rejouer l’intégralité de cet album fondateur, accompagnée de quelques classiques de son répertoire 🔥.

À 78 ans, la chanteuse, musicienne et poétesse ne semble avoir rien perdu de sa fougue. Ses longs cheveux blancs virevoltent au rythme d’un Gloria incandescent, véritable exorcisme collectif. En quelques minutes, tout le monde est conquis.

Mais ce sont les deux titres les plus « ouverts » de Horses – les poétiques et déstructurés Birdland et Land – qui nous transportent ailleurs 🌙. Patti déploie cette énergie quasi chamanique qui la relie à son public. La salle tout entière entre en transe, nos mains battent la mesure sans même y penser, comme si la pulsation de la musique s’était fondue dans celle de notre cœur.

On rit, on pleure, on se libère. La musique devient catharsis : elle extirpe nos douleurs, nous soigne, nous redonne de l’espoir ❤️. Et dans ce moment suspendu, on se surprend à se souvenir…
D’une chambre d’ado, d’un vieux vinyle un peu râpé, écouté en boucle la nuit, à la lumière d’une lampe de chevet 💿. De ce sentiment d’intimité absolue, cette communion entre l’artiste et celui ou celle qui écoute.

Entre deux titres, Patti évoque les fantômes qui l’accompagnent : Jim Morrison sur Break It Up, Jimi Hendrix sur Elegy, son mari Fred « Sonic » Smith parti trop tôt, et les poètes Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, qui semblent hanter les rues de Bruxelles aux côtés du personnage de Johnny, héros de Land.

Après avoir tout donné pendant quarante-cinq minutes, Patti quitte la scène pour une courte pause. Ses musiciens, menés par l’indéfectible Lenny Kaye (à ses côtés depuis le début des années 70) et son fils Jackson Smith, rendent alors hommage à Television, revisitant quelques notes de Marquee Moon 🎸.

Elle revient enfin pour un final vibrant : Because The Night embrase la salle, portée par une énergie viscérale et une ferveur intacte. Puis vient People Have The Power, repris en chœur par tout le Cirque Royal comme une prière collective 🙌. Le poing levé, le public quitte la salle empli d’une force nouvelle, presque régénéré.

J’étais déjà présent ici-même en 2023 pour un concert de Patti en formation trio. C’était intense, bouleversant même. Mais hier soir, on a franchi un cap. C’était plus qu’un concert : un rituel.

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Jerry Harrison & Adrian Belew (avec Cool Cool Cool) revisitent Talking Heads – Cirque Royal, dimanche 1er juin

Deux légendes de la scène rock expérimentale se sont réunies dimanche soir au Cirque Royal pour un concert aussi dansant qu’inspiré.

D’un côté, Jerry Harrison, 76 ans, membre fondateur des Talking Heads aux côtés de David Byrne, mais aussi des cultissimes Modern Lovers avec Jonathan Richman au début des années 70 – un groupe qui influencera profondément la scène punk.

De l’autre, Adrian Belew, 75 ans, génie de la guitare non conventionnelle, connu pour ses collaborations avec Frank Zappa, David Bowie (qui le « vole » à Zappa, ce que ce dernier n’appréciera guère) ou encore King Crimson, où il forme un véritable duo d’esprits avec Robert Fripp. Un guitar hero pas comme les autres, toujours à la recherche de sonorités nouvelles, étranges, audacieuses.

Le cœur de cette tournée ? Un hommage vibrant à Remain In Light (1980), chef-d’œuvre des Talking Heads produit par Brian Eno, dans lequel le groupe mêle post-punk, new wave, funk et afrobeat avec une audace folle. Le duo propose aussi quelques titres de Fear of Music (1979), autre album de référence, sur lequel Fripp laissait lui aussi son empreinte.

Dès les premières notes de “Psycho Killer”, le public est conquis. Suivent les titres les plus groovy et décalés de ces albums cultes. La section rythmique est impeccable, les arrangements fidèles mais vivants. La complicité entre Harrison et Belew est palpable, et le groupe Cool Cool Cool, originaire de Brooklyn, se montre tout simplement épatant.

Côté voix, pas de David Byrne à l’horizon, mais une belle alternance entre Harrison, Belew et le saxophoniste Josh Schwartz qui impressionne par sa capacité à incarner l’énergie vocale, parfois presque théâtrale, de Byrne. Mention spéciale aussi à la magnétique Shira Elias, chanteuse et choriste, qui électrise la scène avec une grâce et une présence remarquables.

Le concert, d’environ 1h30, passe à une vitesse folle. Dès le troisième morceau, le public, pourtant installé en configuration assise, se lève comme un seul homme pour danser, chanter et vibrer au rythme d’un hommage aussi fidèle qu’énergique. Une célébration intense et respectueuse d’un groupe dont l’innovation reste intacte. Et un rappel salutaire : Jerry Harrison, souvent resté dans l’ombre, fut l’un des véritables architectes du son Talking Heads.

Une soirée rare, généreuse, où l’histoire du rock a repris vie… sous une lumière bien vivante.

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