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Johnny Marr à l’OM (Seraing) : le feu sacré de Manchester

C’était un jour gris à Manchester, en 1982. Johnny Marr, dix-huit ans, décide de frapper à la porte d’un inconnu dont on lui a dit qu’il écrivait sur la musique comme d’autres écrivent des prières. Cet inconnu, c’est Steven Patrick Morrissey. En quelques heures, dans une chambre tapissée de vinyles et de livres, les deux posent les bases d’une alliance qui changera l’histoire du rock anglais. De cette rencontre naîtront les Smiths.

Et voilà qu’en ce soir d’automne, le guitariste mythique du groupe foulait la scène de l’OM — ce lieu qui, jadis, ne vibrait pas au son des amplis mais résonnait des applaudissements lors des cérémonies de décorations des ouvriers et employés de Cockerill Sambre.

Ici, on célébrait la sueur, la chaleur des hauts fourneaux, la précision du laminoir – la fierté d’une région façonnée par l’acier.

Et voilà qu’un fils de Manchester, autre cité ouvrière marquée par la fumée des usines et la grisaille industrielle, venait faire chanter ses guitares là où, autrefois, chantait le métal.

Comme un pont invisible entre deux villes forgées par le travail et la musique, deux villes qui ont vu naître bien plus que des chansons : une manière d’exister, de résister.

Ce soir-là, à Seraing, les guitares remplaçaient les marteaux, mais l’énergie, elle, restait la même.

La sirène retentit, un souffle métallique qui traverse la salle comme un rappel lointain des hauts fourneaux. D’un coup, les stroboscopes s’ouvrent, et Johnny attaque Generate! Generate!, riff anguleux, batterie sèche, basse qui talonne. On comprend tout de suite que la soirée sera tendue, précise, physique.

Panic, second titre du set, ouvre le premier clin d’œil aux Smiths – il y en aura en tout six sur les dix-neuf titres joués. Le public répète encore timidement le refrain “Hang the DJ”, comme s’il fallait un instant pour réaliser que ce qu’on entend, ici, à Seraing, c’est bien l’un des hymnes d’une génération.

This Charming Man nous ramène aux débuts du groupe : même éclat, même vélocité, même sourire à demi effacé derrière la guitare. Les titres de la carrière solo de Marr et ceux des Smiths s’enchaînent avec une fluidité remarquable ; cette patte guitaristique, limpide et nerveuse, relie l’ensemble avec une cohérence rare.

Moment d’émotion pure lorsqu’il entame Please, Please, Please Let Me Get What I Want : quelques visages se figent, d’autres ferment les yeux. Puis vient le moment d’immersion totale avec le somptueux Walk Into the Sea, extrait de Call the Comet (2018), un titre qui prend une dimension supérieure dans cette version scénique envoûtante, presque méditative.

Les classiques Bigmouth Strikes Again et How Soon Is Now? rallument le feu collectif : les visages s’illuminent, les guitares tournent comme des moteurs d’usine, et tout l’OM semble vibrer à l’unisson.

Le concert s’achève sur trois titres en rappel : une reprise bienvenue de The Passenger d’Iggy Pop, suivie de Ophelia, puis d’un final magistral – There Is a Light That Never Goes Out – chanté à pleine voix par un public bouleversé.

Aujourd’hui, Johnny Marr incarne à lui seul l’héritage des Smiths — et il le fait avec une élégance rare.

Quarante ans après leur création, il reste celui qui fait vivre ce répertoire sans le trahir, en restant fidèle à son esprit, à sa musicalité et à sa décence.

Pendant que Morrissey s’enlise de plus en plus dans des prises de position politiques radicales, flirtant avec les discours d’extrême droite et “anti-woke” qui ont profondément divisé son public, Marr, lui, poursuit son chemin avec discrétion, loyauté et respect.

Et ce soir à Seraing, c’était une évidence : on n’avait clairement pas besoin de Morrissey.

Les chansons parlaient d’elles-mêmes, débarrassées du vernis et des postures. Il ne restait que leur beauté, leurs mélodies, et cette émotion intacte qui, le temps d’un concert, rassemblait tout le monde du même côté — celui de la musique.

C’était un jour gris à Manchester, en 1982. Johnny Marr, dix-huit ans, décide de frapper à la porte d’un inconnu dont on lui a dit qu’il écrivait sur la musique comme d’autres écrivent des prières. Cet inconnu, c’est Steven Patrick Morrissey. En quelques heures, dans une chambre tapissée de vinyles et de livres, les deux posent les bases d’une alliance qui changera l’histoire du rock anglais. De cette rencontre naîtront les Smiths.

Et voilà qu’en ce soir d’automne, le guitariste mythique du groupe foulait la scène de l’OM — ce lieu qui, jadis, ne vibrait pas au son des amplis mais résonnait des applaudissements lors des cérémonies de décorations des ouvriers et employés de Cockerill Sambre.

Ici, on célébrait la sueur, la chaleur des hauts fourneaux, la précision du laminoir – la fierté d’une région façonnée par l’acier.

Et voilà qu’un fils de Manchester, autre cité ouvrière marquée par la fumée des usines et la grisaille industrielle, venait faire chanter ses guitares là où, autrefois, chantait le métal.

Comme un pont invisible entre deux villes forgées par le travail et la musique, deux villes qui ont vu naître bien plus que des chansons : une manière d’exister, de résister.

Ce soir-là, à Seraing, les guitares remplaçaient les marteaux, mais l’énergie, elle, restait la même.

La sirène retentit, un souffle métallique qui traverse la salle comme un rappel lointain des hauts fourneaux. D’un coup, les stroboscopes s’ouvrent, et Johnny attaque Generate! Generate!, riff anguleux, batterie sèche, basse qui talonne. On comprend tout de suite que la soirée sera tendue, précise, physique.

Panic, second titre du set, ouvre le premier clin d’œil aux Smiths – il y en aura en tout six sur les dix-neuf titres joués. Le public répète encore timidement le refrain “Hang the DJ”, comme s’il fallait un instant pour réaliser que ce qu’on entend, ici, à Seraing, c’est bien l’un des hymnes d’une génération.

This Charming Man nous ramène aux débuts du groupe : même éclat, même vélocité, même sourire à demi effacé derrière la guitare. Les titres de la carrière solo de Marr et ceux des Smiths s’enchaînent avec une fluidité remarquable ; cette patte guitaristique, limpide et nerveuse, relie l’ensemble avec une cohérence rare.

Moment d’émotion pure lorsqu’il entame Please, Please, Please Let Me Get What I Want : quelques visages se figent, d’autres ferment les yeux. Puis vient le moment d’immersion totale avec le somptueux Walk Into the Sea, extrait de Call the Comet (2018), un titre qui prend une dimension supérieure dans cette version scénique envoûtante, presque méditative.

Les classiques Bigmouth Strikes Again et How Soon Is Now? rallument le feu collectif : les visages s’illuminent, les guitares tournent comme des moteurs d’usine, et tout l’OM semble vibrer à l’unisson.

Le concert s’achève sur trois titres en rappel : une reprise bienvenue de The Passenger d’Iggy Pop, suivie de Ophelia, puis d’un final magistral – There Is a Light That Never Goes Out – chanté à pleine voix par un public bouleversé.

Aujourd’hui, Johnny Marr incarne à lui seul l’héritage des Smiths — et il le fait avec une élégance rare.

Quarante ans après leur création, il reste celui qui fait vivre ce répertoire sans le trahir, en restant fidèle à son esprit, à sa musicalité et à sa décence.

Pendant que Morrissey s’enlise de plus en plus dans des prises de position politiques radicales, flirtant avec les discours d’extrême droite et “anti-woke” qui ont profondément divisé son public, Marr, lui, poursuit son chemin avec discrétion, loyauté et respect.

Et ce soir à Seraing, c’était une évidence : on n’avait clairement pas besoin de Morrissey.

Les chansons parlaient d’elles-mêmes, débarrassées du vernis et des postures. Il ne restait que leur beauté, leurs mélodies, et cette émotion intacte qui, le temps d’un concert, rassemblait tout le monde du même côté — celui de la musique.

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Kaiser Chiefs + The Coral + We Are Scientists – Alexandra Palace Park, Londres – Samedi 19 juillet 2025

C’est dans le cadre charmant, historique et so british de l’Alexandra Palace Park, surplombant Londres, que les Kaiser Chiefs avaient donné rendez-vous au public londonien pour célébrer les 20 ans de leur tout premier album… Oui, je sais, “public londonien” pique un peu, mais bon, c’est le jeu.

Dès 17h, deux invités de marque se succèdent : We Are Scientists, les Américains fraîchement débarqués avec leur neuvième album sorti… la veille (!), nous offrent un set aussi efficace qu’inspiré. Ensuite viennent The Coral, fidèles à eux-mêmes, avec leur rock psyché aux parfums californiens très 60s. Un clin d’œil bienvenu à leur Magic and Medicine, qui, lui aussi, a fêté son vingtième anniversaire récemment.

Mais bien sûr, la majorité du public est là pour revoir les héros de 2005, ceux qui avaient su mettre en scène, avec humour et autodérision, la situation sociale d’un Royaume-Uni encore marqué par les stigmates du thatchérisme. Leur album Employment en était à la fois le reflet et le pied de nez. (Et dire que certains chez nous rêvent d’un retour au modèle Thatcher… je leur conseille un petit détour par Manchester.)

Revenons au concert : l’organisation est fluide, le cadre à taille humaine, et malgré la foule, on ne se sent jamais compressé ni bousculé, comme c’est trop souvent le cas dans certains festivals mastodontes chez nous. En bonus, la pente naturelle du parc permet à tout le monde – même aux moins d’1m80 – d’avoir une vue dégagée sur la scène. Un luxe rare.

L’ambiance est détendue, presque familiale. Et le son ? Exemplaire. Niveau club… en plein air.

Le concert se concentre, comme promis, sur l’album Employment. Et les Kaiser Chiefs sont survoltés.

Fidèles à leur esprit potache, ils arrivent sur scène au son de Walk the Dinosaur de Was (Not Was), clin d’œil joyeusement rétro à leur propre longévité. Et ils mettent le feu dès les premières secondes, enchaînant “Everyday I Love You Less and Less” et “I Predict A Riot”, comme deux boulets de canon.

Ricky Wilson n’a rien perdu de son énergie contagieuse. Il saute dans tous les sens, enchaîne les cabrioles comme s’il avait 25 ans, et pourrait faire rougir pas mal de quadras présents dans la foule.

Les titres s’enchaînent à un rythme soutenu, sans temps mort. Le décor de scène, qui parodie une agence pour l’emploi à l’abandon, est à la fois drôle, acide, et parfaitement raccord avec l’univers de l’album.

En interprétant leur disque fondateur avec une telle maîtrise et un plaisir communicatif, le groupe s’inscrit clairement dans la lignée de The Jam, Madness, The Kinks, XTC, ou encore Blur et Supergrass.

Et surtout, ils prouvent que cette fameuse scène post-britpop du début des années 2000, à laquelle ils appartiennent avec Franz Ferdinand ou Maxïmo Park, est toujours bien vivante. Et qu’elle a encore beaucoup de choses à dire.

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