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Heavy Metal en RDA : quand les riffs grondaient derrière le Mur

Difficile d’imaginer que le heavy metal ait pu exister et même prospérer dans un pays comme la RDA. Et pourtant…

✊ Contexte historique

La République Démocratique Allemande, fondée en 1949 dans la zone d’occupation soviétique, était un État autoritaire, où la culture et l’expression artistique étaient strictement encadrées. Toute influence occidentale — et particulièrement anglo-américaine — était suspecte, perçue comme un danger idéologique. Mais à partir des années 1970, le régime commence à lâcher du lest, contraint par une jeunesse avide de sons nouveaux et de liberté.

Car oui, le rock et le heavy metal venus de l’Ouest faisaient peur. Trop de guitares, trop de sueur, trop d’attitude. Rien à voir avec l’idéal du jeune citoyen socialiste discipliné. Mais les autorités savaient qu’interdire totalement ce style serait contre-productif. Alors, elles choisirent une autre voie : encadrer, contrôler… tout en laissant une certaine marge.

Les artistes occidentaux n’étaient pas autorisés à se produire sur le sol est-allemand, à l’exception de quelques cas isolés dans les toutes dernières années du régime, juste avant la chute du Mur. Pourtant, pendant près de deux décennies, une véritable scène metal est-allemande s’est structurée dans l’ombre — avec sa créativité, ses contraintes… et ses riffs.

⚡ Le métal sous contrôle

Pendant des années, un heavy metal “autorisable” s’est développé, validé (ou au moins toléré) par l’État. Il ne s’agissait pas de copier servilement Iron Maiden ou Metallica, mais bien d’adapter le genre aux exigences du régime : des paroles filtrées, un look encadré, des concerts surveillés… mais un son résolument électrique.

Parmi les groupes actifs à l’époque, souvent surveillés de près, on peut citer :

• Formel 1
• Blitzz
• Merlin

Et bien sûr City, plus connu pour son rock planant et progressif que pour du metal pur, mais souvent cité comme une influence majeure de la scène hard rock est-allemande. Leur titre culte Am Fenster (1977) est devenu un hymne générationnel en RDA… et même un succès à l’Ouest.

Sur certaines éditions vinyles, notamment diffusées à l’étranger, le groupe apparaît sous le nom “City DDR” – une manière de signaler sa provenance et de souligner l’exception culturelle qu’il représentait dans un pays socialiste.

💿 Le label Amiga, filtre officiel

Les albums de heavy metal venus de l’Ouest étaient rares, chers et souvent copiés sous le manteau, sur des cassettes usées. Mais certains disques ont été officiellement publiés en RDA, à condition d’être approuvés par Amiga, le label d’État.

Fondé en 1947, Amiga possédait le monopole des pressages vinyles dans le pays. Il couvrait tous les genres autorisés et servait de garde-fou idéologique. Quelques albums occidentaux ont ainsi été publiés en versions adaptées. L’exemple le plus emblématique reste sans doute Highway to Hell d’AC/DC, distribué par Amiga — une curiosité devenue collector, et l’un des rares ponts “officiels” entre le metal australien et le public est-allemand.

🤘 Une expo pour redonner une voix aux amplis du passé

C’est tout cela — et bien plus — que raconte l’exposition Heavy Metal in der DDR à Berlin. Une immersion dans une époque à la fois rugueuse et inventive, où la passion musicale faisait face à la censure, où les instruments étaient bricolés avec des pièces de récup, et où chaque concert était une bouffée d’air pur dans un quotidien quadrillé.

À travers des témoignages, des objets authentiques, des vinyles rares et une scénographie immersive, l’expo nous plonge dans les paradoxes d’un régime qui tentait de dompter une jeunesse en furie… et finit par lui laisser une scène.

📍 Infos pratiques

L’exposition Heavy Metal in Der DDR replonge dans cette époque particulière à travers des témoignages poignants, des objets rares et une scénographie immersive. Elle met en lumière les contradictions d’un régime autoritaire face à l’irrésistible pouvoir de la musique.

🗓️ Visible jusqu’au 31 août 2025
📍 Kulturbrauerei, Berlin
🎟️ Entrée gratuite


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Un saut vers l'Ouest: l'histoire d'une photo historique

Le soldat Conrad Schumann photographié par Peter Leibing

Bon, ok ce n’est pas très musical mais vous connaissez ma passion pour la ville de Berlin… J’ai lu récemment dans un ouvrage très complet sur l’histoire de cette photo légendaire et voulais la partager avec vous. Le soldat de l’Est que l’on voit « sauter » vers l’Ouest s’appelait Conrad Schumann. Sa vie est au départ assez banale et ressemble à celle de n’importe quel soldat de l’Est de Berlin de l’époque. Cependant, il va entrer dans l’histoire après avoir croisé le regard et l’objectif d’un certain Peter Leibing, un jeune photographe plus ou moins du même âge qui, juste avant de prendre ce cliché légendaire, s’était entraîné à prendre en photo les chevaux au galop et sautant des obstacles. Leibing va avoir une intuition incroyable le jour où il prend cette photo faisant désormais partie de l’Histoire. Nous sommes le 15 juin 1961, le « mur » n’est encore constitué que de barbelés mais la séparation est déjà bien effective. Leibing voit en ce jeune garde de l’Est quelqu’un d’hésitant : il est censé gardé la séparation, « protéger » l’Est de toute invasion mais il le sent bien peu convaincu. De l’autre côté du mur, on ne cesse de l’inviter à quitter son camp, à rejoindre la liberté de l’Ouest. Schumann est hésitant, il fume cigarette sur cigarette, il est très nerveux et Peter Leibing capte cette tension. Il pointe son objectif sur le jeune soldat et ne le lâche pas une seule seconde, il sent, il sait qu’il va se passer quelque chose. Après de nombreuses et très longues minutes, Schumann craque et trahit son camp pour rejoindre l’Ouest… A ce moment précis, Leibing prend alors ce qui reste aujourd’hui l’un des plus beaux documents de cette véritable tragédie qui séparera l’Allemagne entre 1961 et 1989.

La statue de Conrad Schumann à Berlin (Bernauer Strasse) Photo REUTERS/Fabrizio Bensch

Anecdote lue dans l’excellent et très complet ouvrage de Frederick Taylor « Le mur de Berlin » (collection Tempus/Librairie Académique Perrin)



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Berlin 2010

Berlin, 21 ans après la chute du Mur, est une ville libre, charmante, passionnante, quelques mots sur une semaine que je ne suis pas prêt d’oublier …

Quand on débarque dans une grande ville, une des plus importantes capitales européennes (Berlin compte plus de  3,4 millions d’habitants), que l’on est en plein cœur du mois de juillet et que le baromètre indique plus de 30 degrés, on se dit : « Mais quelle idée de visiter une grande ville alors que je pourrais être peinard, les pieds en éventail au bord de la mer, en montagne …?! ». Et j’avoue que ma première impression a été celle-là… En vacances, n’a-t-on pas envie – plus que tout – d’éviter les métros, les bus, la pollution et la foule en ville? Me suis-je trompé de destination?

Mais Berlin n’a pas le côté oppressant que l’on peut parfois retrouver à Paris ou encore plus à Londres. L’attitude des habitants est plus cool.  Personne n’est pressé et l’ambiance baba, parfois bobo de quartiers comme Prenzlauer Berg ou encore Mitte (tous deux situés dans l’ancienne partie Est de la ville) est parfaitement relaxante, et, quand le soleil est de la partie, Berlin n’a rien à envier aux habituelles destinations méditerranéennes. A Berlin, on se déplace en métro, mais aussi et surtout à pied et à vélo.

Étonnamment, les automobilistes (pas si nombreux que ça) respectent les limites et les usagers faibles, on se sent donc parfaitement à l’aise pour déambuler joyeusement dans les rues et les différents quartiers de la ville. Parce que si Berlin est riche de musées très intéressants (musées du Mur, Story of Berlin, musée de la photographie, musée de la RDA…), on se plait à simplement s’y promener pour apprécier les différentes architectures et ambiances des nombreux quartiers.

 

L'ambiance relax du Tiergarten

 

Pour prendre le plein d’oxygène, une promenade au Tiergarten – véritable poumon de Berlin – s’impose. On y croise des berlinois et berlinoises de tous styles, de tout âge qui s’y promènent en toute sérénité. On est ému quand on y croise des personnes âgées de plus de 75 ans qui ont parfois dû subir les terreurs du nazisme et l’oppression de l’époque RDA… Berlin est enfin en paix et l’air et l’ambiance zen de ce grand parc nous le confirme.

Mais Berlin, outre l’Histoire, est une ville très musicale qui sera source d’inspiration pour de nombreuses personnalités du rock. L’ombre de David Bowie et d’Iggy Pop plane encore non loin des studios Hansa Tonstudio que les artistes avaient rebaptisés « Hansa by the Wall » puisque de la fenêtre du studio on pouvait voir le mur et les gardes de l’est.  Bowie aimait Berlin pour sa vie nocturne, pour cette ‘tension’ palpable mais aussi parce qu’il pouvait passer complètement incognito, les berlinois lui fichaient la paix. Après de nombreuses années sous les feux des projecteurs, Bowie avait besoin de se retrouver et Berlin était son sanctuaire. La « trilogie berlinoise » (composée des albums « Low », « Heroes » et « Lodger ») est un des chapitres les plus importants et passionnants de sa carrière.

Berlin, c’est aussi un réseau de métro (U-Bahn) et d’équivalent de RER (S-Bahn) extrêmement complet. Lorsque vous séjournez à Berlin, il vous arrive régulièrement de prendre la ligne de métro 2 (U2) et l’une des stations importantes (pour les correspondances etc.) est la Zoologischer Garten Station, autrement dit la « Zoo Station« , comme on l’appelle là-bas.

U2? Zoo Station? Ça vous dit quelque chose?

Rappelons que U2 a enregistré l’un des ses meilleurs albums à Berlin – « Achtung Baby » – en compagnie du génial producteur Brian Eno (autre grand fidèle de la ville dans le cadre des ses aventures musicales avec Bowie). Alors est-ce que tout cela est le fruit du hasard? Pas vraiment… Pour la ligne de métro, oui, parce qu’à l’époque à laquelle U2 a enregistré l’album (90-91) la Zoo Station était accessible par la U1 et pas encore par la U2 (ce sera le cas après 1993).

Par contre « Zoo Station« , le titre, mais aussi l’énorme Zoo TV Tour fait bien référence à cette ligne de métro berlinoise. En fait, Bono avait entendu parler d’une histoire qui s’était déroulée à Berlin pendant la Seconde Guerre Mondiale. Des animaux s’étaient échappés du Zoo suite à un bombardement. Ainsi des rhinocéros, des pélicans ou encore des flamants roses erraient dans les rues de Berlin le lendemain matin. Cette histoire a intrigué Bono et comme, de plus, il a appris qu’une des célèbres stations de métro, celle du Zoologischer Garten (que je vous conseille d’ailleurs) était appelée familièrement « Zoo Station », l’affaire était en poche, le concept du titre de U2 « Zoo Station » (qui ouvre « Achtung Baby ») était en route …

 

La "Zoo Station" source d'inspiration pour U2

 

Mais U2 et Bowie ne sont pas les seuls à avoir enregistré au célèbre Hansa Tonstudio, on citera également Nick Cave et Depeche Mode (qui auront, eux aussi, leurs phases « berlinoises »), les allemands de Tangerine Dream, Killing JokeMarillion ou beaucoup plus récemment Snow Patrol, Supergrass ou encore KT Tunstall.

Bref, tout ceci pour vous dire que oui, j’ai eu le coup de cœur pour Berlin et que, oui, je vous conseille vivement d’aller y faire un tour lors d’un prochain city trip…

 

Hommage à Pink Floyd, Roger Waters et Gerald Scarfe à East Side Gallery

 

 

"Heroes" (1978), le plus berlinois de la trilogie de Bowie ...

 

Quelques liens intéressants:

Visite:

The Story of Berlin

Mauermuseum (musée du Mur)

DDR Museum (musée de la RDA)

Musée de la photograhie (fondation Helmut Newton)

Le passionnant Tacheles

East Side Gallery: Les restes de Mur ‘revisités’ par des artistes

Musique:

Studio Hansa

S036 (club underground dans lequel Bowie et Iggy Pop passaient pas mal de temps)

Références Bowie à Berlin sur Leslapinstechno.com

Berlin Music Tour

Le « Musée/café » Ramones à Berlin

Bowie interview à propos de Berlin

A écouter:

David Bowie: « Low », « Heroes », « Lodger »

Iggy Pop: « The Idiot », « Lust for Life »

Nick Cave: « Your Funeral… My Trial »

U2: « Achtung Baby »

Depeche Mode : « Construction Time Again »

Et ne pas oublier …

  • D’aller prendre l’air au Tiergarten
  • De se promener dans la Karl Marx Allee qui a conservé un côté très « Est »
  • De se promener dans les quartiers Mitte et Prenzlauer Berg
  • L’Alexanderplatz et sa fameuse tour TV
  • Et tellement d’autres superbes endroits à découvrir …
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