Tous les articles par Laurent

🎤 BOB DYLAN DÉCRYPTÉ ! 🎶 – Conférence



Une figure insaisissable, un monument de la culture rock… Et si on prenait enfin le temps de le comprendre ?

📅 Jeudi 4 juillet
🕗 20h00 – Salle Scheier, Beckerich
🎟️ Entrée : 15 €

👉 Laurent Rieppi vous embarque pour un voyage au cœur de l’œuvre, des métamorphoses et des mystères de Bob Dylan.
Une conférence vivante, passionnée et accessible à tous.

📩 Infos & réservations : info@kulturmillen.lu
🌐 www.kulturmillen.lu

🔎 “Ce n’est pas un concert, mais vous risquez d’en sortir avec une playlist bouleversée.”

Partager

Heavy Metal en RDA : quand les riffs grondaient derrière le Mur

Difficile d’imaginer que le heavy metal ait pu exister et même prospérer dans un pays comme la RDA. Et pourtant…

✊ Contexte historique

La République Démocratique Allemande, fondée en 1949 dans la zone d’occupation soviétique, était un État autoritaire, où la culture et l’expression artistique étaient strictement encadrées. Toute influence occidentale — et particulièrement anglo-américaine — était suspecte, perçue comme un danger idéologique. Mais à partir des années 1970, le régime commence à lâcher du lest, contraint par une jeunesse avide de sons nouveaux et de liberté.

Car oui, le rock et le heavy metal venus de l’Ouest faisaient peur. Trop de guitares, trop de sueur, trop d’attitude. Rien à voir avec l’idéal du jeune citoyen socialiste discipliné. Mais les autorités savaient qu’interdire totalement ce style serait contre-productif. Alors, elles choisirent une autre voie : encadrer, contrôler… tout en laissant une certaine marge.

Les artistes occidentaux n’étaient pas autorisés à se produire sur le sol est-allemand, à l’exception de quelques cas isolés dans les toutes dernières années du régime, juste avant la chute du Mur. Pourtant, pendant près de deux décennies, une véritable scène metal est-allemande s’est structurée dans l’ombre — avec sa créativité, ses contraintes… et ses riffs.

⚡ Le métal sous contrôle

Pendant des années, un heavy metal “autorisable” s’est développé, validé (ou au moins toléré) par l’État. Il ne s’agissait pas de copier servilement Iron Maiden ou Metallica, mais bien d’adapter le genre aux exigences du régime : des paroles filtrées, un look encadré, des concerts surveillés… mais un son résolument électrique.

Parmi les groupes actifs à l’époque, souvent surveillés de près, on peut citer :

• Formel 1
• Blitzz
• Merlin

Et bien sûr City, plus connu pour son rock planant et progressif que pour du metal pur, mais souvent cité comme une influence majeure de la scène hard rock est-allemande. Leur titre culte Am Fenster (1977) est devenu un hymne générationnel en RDA… et même un succès à l’Ouest.

Sur certaines éditions vinyles, notamment diffusées à l’étranger, le groupe apparaît sous le nom “City DDR” – une manière de signaler sa provenance et de souligner l’exception culturelle qu’il représentait dans un pays socialiste.

💿 Le label Amiga, filtre officiel

Les albums de heavy metal venus de l’Ouest étaient rares, chers et souvent copiés sous le manteau, sur des cassettes usées. Mais certains disques ont été officiellement publiés en RDA, à condition d’être approuvés par Amiga, le label d’État.

Fondé en 1947, Amiga possédait le monopole des pressages vinyles dans le pays. Il couvrait tous les genres autorisés et servait de garde-fou idéologique. Quelques albums occidentaux ont ainsi été publiés en versions adaptées. L’exemple le plus emblématique reste sans doute Highway to Hell d’AC/DC, distribué par Amiga — une curiosité devenue collector, et l’un des rares ponts “officiels” entre le metal australien et le public est-allemand.

🤘 Une expo pour redonner une voix aux amplis du passé

C’est tout cela — et bien plus — que raconte l’exposition Heavy Metal in der DDR à Berlin. Une immersion dans une époque à la fois rugueuse et inventive, où la passion musicale faisait face à la censure, où les instruments étaient bricolés avec des pièces de récup, et où chaque concert était une bouffée d’air pur dans un quotidien quadrillé.

À travers des témoignages, des objets authentiques, des vinyles rares et une scénographie immersive, l’expo nous plonge dans les paradoxes d’un régime qui tentait de dompter une jeunesse en furie… et finit par lui laisser une scène.

📍 Infos pratiques

L’exposition Heavy Metal in Der DDR replonge dans cette époque particulière à travers des témoignages poignants, des objets rares et une scénographie immersive. Elle met en lumière les contradictions d’un régime autoritaire face à l’irrésistible pouvoir de la musique.

🗓️ Visible jusqu’au 31 août 2025
📍 Kulturbrauerei, Berlin
🎟️ Entrée gratuite


Partager

Berlin, Neues Ufer l’un des repaires favoris de David Bowie et Iggy Pop

À Berlin-Ouest, dans le quartier de Schöneberg, à quelques pas de leur appartement de la Hauptstraße 155, David Bowie et Iggy Pop avaient leurs habitudes dans un petit café discret : le Neues Ufer.

À l’époque, il s’appelait Anderes Ufer – littéralement « l’autre rive ». Ce fut l’un des tout premiers bars gays d’Europe, un lieu convivial, ouvert à tous, où l’on pouvait discuter, rêver, refaire le monde… ou simplement démarrer la journée autour d’un café.

C’est là que Bowie aimait prendre son petit-déjeuner. Lui et Iggy y passaient aussi leurs fins de soirée, parfois jusqu’au dernier verre, avant de rentrer à pied chez eux, quelques mètres plus loin. Rien de glamour : un lieu simple, presque banal, mais qui offrait un ancrage précieux dans cette parenthèse berlinoise.

Bowie adorait Schöneberg, un quartier longtemps au cœur du Berlin des Années folles. Il y retrouvait l’ombre de Marlene Dietrich, qui y vécut, et l’ambiance trouble et fascinante des romans de Christopher Isherwood, qu’il vénérait – et qu’il rencontra d’ailleurs pendant cette période.

🎬 Petite anecdote cinématographique : Bowie fut très fier de partager l’affiche du film Just a Gigolo (C’est mon gigolo) avec Dietrich, dans ce qui restera la dernière apparition à l’écran de la star allemande. Ils ne se rencontrèrent pourtant jamais sur le tournage, mais l’idée de figurer à ses côtés suffisait à combler Bowie.

Partager

Iggy Pop – Zitadelle Spandau, Berlin, 19 juin 2025

Voir Iggy Pop à Berlin, c’était tout en haut de ma check-list. C’est désormais fait — et le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu.

Lors de précédents séjours dans la capitale allemande, j’étais déjà parti sur les traces de Bowie et Iggy, devant leur ancien appartement de la Hauptstraße, dans le quartier de Schöneberg. Un lieu chargé d’histoire, bien avant eux, déjà marqué par le passage de Marlene Dietrich ou d’Albert Einstein… Et pourtant, leur présence à tous les deux a laissé une empreinte unique dans le Berlin du rock cabossé et intense.

Alors oui, Iggy a évoqué la Hauptstraße. Oui, le set rendait hommage aux albums The Idiot et Lust for Life, baignés dans l’esprit nocturne et berlinois de ces années-là. Et bien sûr, les Stooges n’étaient pas oubliés, loin de là.

Et surtout, oui, il semblait sincèrement ému d’être de retour dans sa ville d’adoption, celle qu’il a lâché ce soir-là dans un cri : « Fucking Berlin ! »

Le temps passe. L’Iguane s’assoit de temps en temps, mais qu’importe : il donne tout, sans retenue. Sa voix, entre aboiements punk et phrasés crooner, reste incroyablement intacte malgré ses 78 ans.

Et puis il y a ces claques. Des morceaux comme Gimme Danger, I Wanna Be Your Dog, 1970, I Got A Right, I’m Sick of You (peut-être le sommet du concert), balancés avec une intensité brute. Lust for Life et The Passenger, eux, sont balancés tôt dans le set — presque comme pour dire « voilà, c’est fait » — mais jamais expédiés.

En résumé ?
Iggy Pop est toujours là. Brillant, fragile, dangereux, vivant.
Et ça, c’est déjà un miracle rock’n’roll en soi.

Setlist – Iggy Pop – Berlin, 19 juin 2025

  1. T.V. Eye (The Stooges)
  2. Raw Power (Iggy and The Stooges)
  3. I Got a Right (Iggy and The Stooges)
  4. Gimme Danger (Iggy and The Stooges)
  5. The Passenger
  6. Lust for Life
  7. Death Trip (Iggy and The Stooges)
  8. I Wanna Be Your Dog (The Stooges)
  9. Search and Destroy (Iggy and The Stooges)
  10. Down on the Street (The Stooges)
  11. 1970 (The Stooges)
  12. I’m Sick of You (Iggy and The Stooges)
  13. Some Weird Sin
  14. Frenzy
  15. Apocalypse / Nightclubbing
  16. Modern Day Rip Off
  17. I’m Bored
  18. Real Wild Child (Wild One) (The Dee Jays cover)
  19. Funtime
Partager

Rob Bailey, ex-AC/DC à Namur

🎸 Il était là… avant le short d’Angus.
Rob Bailey, premier bassiste d’AC/DC, est de passage en Belgique. Un « parfait inconnu » ? Peut-être. Mais un témoin direct des débuts du groupe le plus électrique de l’histoire du rock. 🔌⚡

C’était cet après-midi à Namur et on lui a tendu le micro pour évoquer les coulisses des premières années, les tenues (parfois improbables) d’Angus Young, le potentiel du groupe, et ses propres souvenirs — entre fierté, passion et un brin de nostalgie.

📖 À lire ici 👉 https://www.rtbf.be/article/quand-un-ex-ac-dc-redecouvre-son-passe-sur-une-chaise-a-namur-11562700

🎬 Vidéo de l’interview ici https://www.facebook.com/share/v/1ARxtqc5fK/?mibextid=wwXIfr

Partager

Séquence radio hommage à Brian Wilson des Beach Boys dans Soundtrack

🎧 Hommage à Brian Wilson – Podcast disponible 🌊

Ce dimanche 15 juin 2025, avec beaucoup d’émotion et un immense respect, j’ai eu le privilège de présenter une séquence spéciale Soundtrack consacrée à l’un des plus grands génies de la musique moderne : Brian Wilson, disparu la semaine dernière.

Avec Laurent Debeuf, nous vous proposons un voyage d’une heure à travers 10 titres soigneusement sélectionnés — des classiques incontournables, mais aussi quelques trésors moins connus de son œuvre, avec les Beach Boys et en solo.

Une heure pour (re)découvrir la richesse mélodique, la fragilité, la beauté et l’audace d’un artiste unique. 🌊✨

🎙 Le podcast est maintenant disponible : laissez-vous porter par la magie Wilsonienne.

https://auvio.rtbf.be/media/soundtrack-sequence-soundtrack-3351291

Partager

🎹 Brian Wilson est parti. Mais voilà pourquoi il comptera toujours.

(Photo par https://www.flickr.com/people/75972766@N02)

Pour moi, Good Vibrations est peut-être la plus belle composition – et production – pop de tous les temps. Du génie à l’état pur.

J’ai eu la chance de le rencontrer pour la première fois avec mon collègue Jean-Paul Smismans, il y a vingt ans. Et de l’interviewer encore deux fois ensuite. C’était un personnage complexe, parfois totalement là, parfois un peu ailleurs… Mais quelle légende. Et quelle chance de l’avoir croisé.

Je repense aussi à Smile, enfin sorti en 2004 après des décennies de silence et de chaos. Ce fut l’un des plus beaux retours de l’histoire du rock. Contrairement à ce qu’on a parfois raconté, son génie ne s’est pas arrêté en 1967. Il ne s’est jamais vraiment éteint.

Voici 10 raisons pour lesquelles Brian Wilson comptera toujours :

  1. Il a élevé la pop au rang d’art majeur.
    Avec Pet Sounds, il a prouvé que la musique populaire pouvait être aussi profonde, audacieuse et bouleversante que n’importe quelle grande œuvre.
  2. Il a révolutionné la production en studio.
    Collages sonores, instruments inattendus, arrangements d’orfèvre : bien avant les logiciels, il composait en couches et en textures.
  3. Il a sculpté des harmonies vocales célestes.
    Des harmonies nourries de jazz vocal, de doo-wop et d’intuition pure – devenues une signature intemporelle.
  4. Il a mis l’émotion au cœur de la pop.
    Il a chanté l’angoisse, la solitude, la tendresse, la nostalgie. Et ce dès les années 60, quand peu osaient le faire.
  5. Il a inspiré les plus grands.
    McCartney disait de God Only Knows que c’était « la plus belle chanson d’amour jamais écrite ». Pet Sounds a changé la trajectoire des Beatles.
  6. Il a affronté l’enfer.
    Les troubles mentaux, les addictions, l’isolement… Sa vie a parfois ressemblé à une descente aux enfers. Mais sa musique a toujours été une lumière.
  7. Il a fait de Smile un mythe, puis un miracle.
    Commencé en 1966, abandonné, fantasmé pendant quarante ans… et finalement offert au monde dans une version bouleversante en 2004.
  8. Il a signé un des plus beaux retours du rock.
    Il aurait pu disparaître dans le silence. Il est revenu. Et a prouvé qu’il était encore capable de beauté, de grâce, d’émotion.
  9. Il a incarné le génie fragile.
    La sensibilité à fleur de peau, l’oreille absolue, les tempêtes intérieures. Il portait tout cela en lui, et le transmettait en musique.
  10. Il a transformé l’Amérique en rêve sonore.
    Avec Surfer Girl, In My Room, Caroline, No ou ’Til I Die, il a donné une voix aux émotions enfouies sous les sourires californiens.

🌊 Il était l’un des plus grands compositeurs de la pop moderne. Un architecte de l’intime. Un esprit blessé qui n’a jamais cessé de chercher l’harmonie.

Repose en paix, Brian. Et merci.

Plus d’informations : https://www.rtbf.be/article/musique-brian-wilson-le-genial-cofondateur-des-beach-boys-est-decede-a-l-age-de-82-ans-11560393

Partager

Cat Power – Sings Dylan: The 1966 Royal Albert Hall Concert au Cirque Royal de Bruxelles, 09/06/25

📍 Cirque Royal, Bruxelles
📅 9 juin 2025

Chan Marshall, alias CAT POWER, n’est pas une interprète comme les autres. Depuis plus de vingt-cinq ans, elle bouscule les genres avec une sensibilité à fleur de peau, une voix capable de fragilité comme de puissance retenue, et une capacité rare à faire sienne la musique des autres. Ce n’est donc pas un hasard si elle s’est lancée, depuis 2022, dans un projet aussi ambitieux que personnel : recréer le concert mythique donné par Bob Dylan à Manchester en mai 1966, longtemps – et à tort – appelé The Royal Albert Hall Concert.

Ce concert est entré dans la légende pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il marque un tournant majeur dans la carrière de Dylan : la bascule entre le folk acoustique de ses débuts et un rock électrique aux sonorités plus abrasives. Ensuite, parce qu’il est le théâtre d’un moment de tension historique : un spectateur outré, scandant “Judas!” à Dylan, trahissant selon lui l’essence du folk. En réponse, Dylan ordonne à son groupe de “jouer fing fort*” avant de lancer un “Like a Rolling Stone” d’une intensité rageuse. C’est ce moment charnière de l’histoire du rock que Cat Power a choisi non pas de copier, mais d’habiter, avec respect, émotion, et une classe indéniable.

Pas de reconstitution théâtrale, ni d’effet vintage forcé : Cat Power choisit l’épure. Au Cirque Royal, la scène est dépouillée, baignée d’une lumière sobre, bleutée ou orangée, presque feutrée. Une ambiance de club plus que de show, qui évoque immédiatement les concerts de 1966 : une époque où tout tenait dans la tension d’un regard, la magie d’un silence ou l’éclat d’un couplet.

Le concert est structuré en deux sets parfaitement distincts, à l’image du concert original. La première partie, entièrement acoustique, permet à la voix de Chan Marshall de s’épanouir dans toute sa richesse. Elle ne cherche jamais à imiter Dylan : elle l’incarne, avec une sincérité presque troublante. Chaque mot, chaque souffle, semble pesé, vécu, offert. On assiste alors non pas à une relecture muséale, mais à une transfusion d’âme entre deux artistes. On pourrait presque parler d’un concert de Dylan amélioré… tant la voix, profonde et enveloppante, révèle des dimensions nouvelles à des titres comme “It’s All Over Now, Baby Blue” ou “Mr. Tambourine Man”.

Peu à peu, cette première partie gagne en intensité, comme si l’on sentait déjà gronder l’orage électrique à venir. Et c’est justement ce que propose la seconde moitié : une montée en puissance rock’n’roll, fiévreuse mais toujours contenue. Les guitares se frottent à l’orgue Hammond, les rythmiques se densifient, et le groupe, parfait d’un bout à l’autre, brille dans chaque nuance. Mention spéciale à Jordan Summers à l’orgue Hammond – pas une émulation numérique, mais le véritable instrument, avec ce grain chaud et légèrement rugueux qui ancre tout dans le réel.

Ailleurs, lors d’autres dates, des spectateurs ont crié “Judas!” pour recréer l’instant célèbre. Chan Marshall, imperturbable, avait alors répliqué : “Jesus”. Ce soir à Bruxelles, rien de tel. Pas besoin de rejouer le passé : la magie opère dans le présent, dans cette fidélité qui ne cède jamais à la caricature.

Un hommage humble, puissant, habité. Et profondément touchant.
Et puis ce “Ballad of a Thin Man”…
Lent, tendu, spectral.
Un moment suspendu qui, à lui seul, touchait au sublime.

/

Partager

Dans l’intimité de Jimi Hendrix à Brook Street – Entretien exclusif avec Kathy Etchingham

Suite à l’un de mes précédents articles sur ma visite de la Handel Hendrix House à Londres, j’ai souhaité aller plus loin. Ce lieu mythique où Jimi Hendrix a vécu au sommet de sa carrière regorge d’histoires, mais que sait-on vraiment de la vie quotidienne derrière le mythe ? J’ai donc contacté le musée pour obtenir les coordonnées de Kathy Etchingham, qui a partagé la vie de Jimi durant cette période aussi courte qu’intense.

Elle a très gentiment accepté de me répondre, elle qui ne donne plus d’interview depuis plusieurs années. Voici le fruit de cet échange exclusif, rare et précieux. Un regard doux, lucide et sincère sur l’homme derrière le génie.

1. Vous et Jimi avez vécu au 23 Brook Street à un moment clé de sa carrière. Que représentait ce lieu pour vous deux à l’époque ? Était-ce un refuge, un espace créatif, un vrai chez-vous ?

« C’était le premier endroit qui était vraiment à nous. Avant cela, on vivait à l’hôtel ou on partageait un appartement avec Chas Chandler et sa compagne Lotte. Jimi aimait pouvoir décorer et meubler notre propre lieu. On a fait les magasins ensemble pour les rideaux et les meubles. Le musée a d’ailleurs retrouvé plusieurs reçus à son nom, je crois qu’ils vont les exposer. »

2. Y a-t-il des souvenirs particuliers de cette époque qui vous reviennent — des moments du quotidien qui en disent plus sur Jimi que tous les concerts ?

« Rien de très précis ne me revient, mais je me souviens qu’il avait appris à faire le thé “à l’anglaise”, avec du lait et du sucre. Il aimait aussi regarder le soap Coronation Street ; il était fasciné par les personnages et leurs accents du nord. »

3. Le musée a aujourd’hui recréé l’appartement avec beaucoup de soin. Lors de votre première visite, cela correspondait-il à vos souvenirs ?

« La seule chose qui n’était pas vraiment fidèle au départ, c’est qu’ils avaient voulu donner une allure bohème, un peu en désordre. Mais en réalité, Jimi et moi étions très ordonnés. Il faisait le lit chaque jour avec une précision militaire — il avait été para — et rangeait ses affaires soigneusement. »

4. On imagine souvent Jimi comme une icône flamboyante. Mais à la maison, comment était-il réellement ? Quels étaient ses rituels, ses moments calmes ?

« Il était très calme, très “normal”. Sa personnalité sur scène, c’était uniquement pour la scène. »

5. Avait-il des artistes ou des disques qu’il aimait particulièrement écouter lorsqu’il se détendait à l’appartement ? Ou des activités non musicales pour se relaxer ?

« Il écoutait principalement du blues. Et il lisait des romans ou des nouvelles de science-fiction. »

6. Était-il plutôt du matin ou du soir à Brook Street ? À quoi ressemblait une journée type lorsqu’il n’était ni en tournée ni en studio ?

« On était tous les deux des oiseaux de nuit. On se levait tard. On sortait souvent le soir, mais pas tous les jours. »

7. Parlait-il de Haendel, sachant qu’il vivait dans la même maison que lui ? Est-ce que cela l’amusait ou l’inspirait ?

« Oui, il s’intéressait à cette coïncidence. Il avait même acheté deux disques de Handel pour les écouter. Une fois, alors qu’il était fatigué, il a cru voir le fantôme de Handel dans le miroir… mais c’était juste son propre reflet. »

8. Avec le recul, quel est selon vous l’aspect le plus mal compris de la personnalité de Jimi — en tant qu’homme, compagnon ou être humain ?

« C’est difficile à dire, car je ne sais pas vraiment comment les gens le perçoivent. Mais je pense qu’on confond souvent sa personnalité scénique avec la personne qu’il était vraiment. »

9. Y a-t-il un souvenir que vous aimeriez que le public connaisse, parce qu’il illustre vraiment qui était Jimi au-delà de la légende ?

« Je pense que les gens devraient savoir à quel point il était quelqu’un de calme et de normal. En dehors de la musique, il lisait, expérimentait beaucoup, et jouait souvent de la guitare acoustique. »

10. Avez-vous un titre favori dans son répertoire ? Et si oui, pourquoi celui-là en particulier ?

« All Along the Watchtower. Même si c’est une chanson de Bob Dylan à la base. »

11. Quand vous repensez à cette époque aujourd’hui, avec le recul et l’expérience, comment percevez-vous ces moments partagés ?

« Comme tu le dis, c’était il y a longtemps. On était tous les deux très jeunes, et tout était nouveau pour nous. Comme j’avais été DJ dans des clubs, je connaissais bien la scène londonienne. Avec le recul, je réalise que je lui ai fait découvrir pas mal de gens et d’endroits qu’il n’aurait peut-être rencontrés que plus tard dans sa carrière. Je connaissais déjà Keith Moon des Who ou Brian Jones des Stones. »

Un immense merci à Kathy Etchingham pour sa générosité, sa mémoire, et la tendresse avec laquelle elle évoque ces souvenirs. Ce qu’elle nous offre ici, c’est une autre image de Hendrix : celle d’un homme discret, curieux, amoureux de musique et du quotidien. Une mémoire précieuse, à préserver, comme le font aujourd’hui les murs de Brook Street.

Partager

Jerry Harrison & Adrian Belew (avec Cool Cool Cool) revisitent Talking Heads – Cirque Royal, dimanche 1er juin

Deux légendes de la scène rock expérimentale se sont réunies dimanche soir au Cirque Royal pour un concert aussi dansant qu’inspiré.

D’un côté, Jerry Harrison, 76 ans, membre fondateur des Talking Heads aux côtés de David Byrne, mais aussi des cultissimes Modern Lovers avec Jonathan Richman au début des années 70 – un groupe qui influencera profondément la scène punk.

De l’autre, Adrian Belew, 75 ans, génie de la guitare non conventionnelle, connu pour ses collaborations avec Frank Zappa, David Bowie (qui le « vole » à Zappa, ce que ce dernier n’appréciera guère) ou encore King Crimson, où il forme un véritable duo d’esprits avec Robert Fripp. Un guitar hero pas comme les autres, toujours à la recherche de sonorités nouvelles, étranges, audacieuses.

Le cœur de cette tournée ? Un hommage vibrant à Remain In Light (1980), chef-d’œuvre des Talking Heads produit par Brian Eno, dans lequel le groupe mêle post-punk, new wave, funk et afrobeat avec une audace folle. Le duo propose aussi quelques titres de Fear of Music (1979), autre album de référence, sur lequel Fripp laissait lui aussi son empreinte.

Dès les premières notes de “Psycho Killer”, le public est conquis. Suivent les titres les plus groovy et décalés de ces albums cultes. La section rythmique est impeccable, les arrangements fidèles mais vivants. La complicité entre Harrison et Belew est palpable, et le groupe Cool Cool Cool, originaire de Brooklyn, se montre tout simplement épatant.

Côté voix, pas de David Byrne à l’horizon, mais une belle alternance entre Harrison, Belew et le saxophoniste Josh Schwartz qui impressionne par sa capacité à incarner l’énergie vocale, parfois presque théâtrale, de Byrne. Mention spéciale aussi à la magnétique Shira Elias, chanteuse et choriste, qui électrise la scène avec une grâce et une présence remarquables.

Le concert, d’environ 1h30, passe à une vitesse folle. Dès le troisième morceau, le public, pourtant installé en configuration assise, se lève comme un seul homme pour danser, chanter et vibrer au rythme d’un hommage aussi fidèle qu’énergique. Une célébration intense et respectueuse d’un groupe dont l’innovation reste intacte. Et un rappel salutaire : Jerry Harrison, souvent resté dans l’ombre, fut l’un des véritables architectes du son Talking Heads.

Une soirée rare, généreuse, où l’histoire du rock a repris vie… sous une lumière bien vivante.

Partager