J’ai sans doute découvert Bruce Springsteen à rebours. Non pas par ses hymnes fédérateurs ou ses solos incandescent aux côtés du E Street Band, mais par la voix fragile et chuchotante de ses albums folk : Nebraska, The Ghost of Tom Joad, Devils & Dust.
Adolescent, j’étais fasciné par cette écriture dépouillée, ces récits hantés qui faisaient écho à Dylan, Pete Seeger ou Woody Guthrie. Plus tard, j’ai appris à aimer le Springsteen des grandes scènes, celui du New Jersey et de la ferveur collective. Mais c’est le premier, le conteur des marges, qui m’a le plus marqué.
C’est justement ce Bruce-là qu’explore Deliver Me From Nowhere, biopic centré sur la genèse de Nebraska, une œuvre risquée, essentielle, et profondément humaine.
On y retrouve des éclats de son enfance, la relation tourmentée avec son père, mais surtout cette lutte intérieure pour imposer un disque à contre-courant de tout ce que son label attendait alors d’un artiste en pleine ascension. L’exactitude des détails laisse d’ailleurs entrevoir qu’un autre film pourrait un jour s’intéresser à une autre période de sa vie, tant elle fut foisonnante.
Comme son autobiographie Born to Run, Deliver Me From Nowhere s’articule autour d’un fil rouge : la dépression. Cette maladie sourde, invisible, traverse le film comme une ombre persistante. L’album Nebraska, brut et sans fard, devient ici le symbole d’un combat contre la douleur, une métaphore de la résilience face à l’obscurité intérieure.
Scott Cooper signe une œuvre sensible, lente, presque méditative. On y plonge dans les émotions, les silences et les doutes d’un Springsteen jeune adulte. C’est un film d’auteur plus qu’un biopic hollywoodien à effet clippé. Une approche rare, respectueuse, et profondément juste.
Et puis, il y a Jeremy Allen White. Sobre, habité, jamais caricatural, il incarne le Boss avec une intelligence rare : celle de comprendre l’homme avant la légende.
Deliver Me From Nowhere ne cherche pas à glorifier Bruce Springsteen. Il le regarde en face. Et c’est sans doute pour cela qu’il touche si juste.
C’était un jour gris à Manchester, en 1982. Johnny Marr, dix-huit ans, décide de frapper à la porte d’un inconnu dont on lui a dit qu’il écrivait sur la musique comme d’autres écrivent des prières. Cet inconnu, c’est Steven Patrick Morrissey. En quelques heures, dans une chambre tapissée de vinyles et de livres, les deux posent les bases d’une alliance qui changera l’histoire du rock anglais. De cette rencontre naîtront les Smiths.
Et voilà qu’en ce soir d’automne, le guitariste mythique du groupe foulait la scène de l’OM — ce lieu qui, jadis, ne vibrait pas au son des amplis mais résonnait des applaudissements lors des cérémonies de décorations des ouvriers et employés de Cockerill Sambre.
Ici, on célébrait la sueur, la chaleur des hauts fourneaux, la précision du laminoir – la fierté d’une région façonnée par l’acier.
Et voilà qu’un fils de Manchester, autre cité ouvrière marquée par la fumée des usines et la grisaille industrielle, venait faire chanter ses guitares là où, autrefois, chantait le métal.
Comme un pont invisible entre deux villes forgées par le travail et la musique, deux villes qui ont vu naître bien plus que des chansons : une manière d’exister, de résister.
Ce soir-là, à Seraing, les guitares remplaçaient les marteaux, mais l’énergie, elle, restait la même.
La sirène retentit, un souffle métallique qui traverse la salle comme un rappel lointain des hauts fourneaux. D’un coup, les stroboscopes s’ouvrent, et Johnny attaque Generate! Generate!, riff anguleux, batterie sèche, basse qui talonne. On comprend tout de suite que la soirée sera tendue, précise, physique.
Panic, second titre du set, ouvre le premier clin d’œil aux Smiths – il y en aura en tout six sur les dix-neuf titres joués. Le public répète encore timidement le refrain “Hang the DJ”, comme s’il fallait un instant pour réaliser que ce qu’on entend, ici, à Seraing, c’est bien l’un des hymnes d’une génération.
This Charming Man nous ramène aux débuts du groupe : même éclat, même vélocité, même sourire à demi effacé derrière la guitare. Les titres de la carrière solo de Marr et ceux des Smiths s’enchaînent avec une fluidité remarquable ; cette patte guitaristique, limpide et nerveuse, relie l’ensemble avec une cohérence rare.
Moment d’émotion pure lorsqu’il entame Please, Please, Please Let Me Get What I Want : quelques visages se figent, d’autres ferment les yeux. Puis vient le moment d’immersion totale avec le somptueux Walk Into the Sea, extrait de Call the Comet (2018), un titre qui prend une dimension supérieure dans cette version scénique envoûtante, presque méditative.
Les classiques Bigmouth Strikes Again et How Soon Is Now? rallument le feu collectif : les visages s’illuminent, les guitares tournent comme des moteurs d’usine, et tout l’OM semble vibrer à l’unisson.
Le concert s’achève sur trois titres en rappel : une reprise bienvenue de The Passenger d’Iggy Pop, suivie de Ophelia, puis d’un final magistral – There Is a Light That Never Goes Out – chanté à pleine voix par un public bouleversé.
Aujourd’hui, Johnny Marr incarne à lui seul l’héritage des Smiths — et il le fait avec une élégance rare.
Quarante ans après leur création, il reste celui qui fait vivre ce répertoire sans le trahir, en restant fidèle à son esprit, à sa musicalité et à sa décence.
Pendant que Morrissey s’enlise de plus en plus dans des prises de position politiques radicales, flirtant avec les discours d’extrême droite et “anti-woke” qui ont profondément divisé son public, Marr, lui, poursuit son chemin avec discrétion, loyauté et respect.
Et ce soir à Seraing, c’était une évidence : on n’avait clairement pas besoin de Morrissey.
Les chansons parlaient d’elles-mêmes, débarrassées du vernis et des postures. Il ne restait que leur beauté, leurs mélodies, et cette émotion intacte qui, le temps d’un concert, rassemblait tout le monde du même côté — celui de la musique.
C’était un jour gris à Manchester, en 1982. Johnny Marr, dix-huit ans, décide de frapper à la porte d’un inconnu dont on lui a dit qu’il écrivait sur la musique comme d’autres écrivent des prières. Cet inconnu, c’est Steven Patrick Morrissey. En quelques heures, dans une chambre tapissée de vinyles et de livres, les deux posent les bases d’une alliance qui changera l’histoire du rock anglais. De cette rencontre naîtront les Smiths.
Et voilà qu’en ce soir d’automne, le guitariste mythique du groupe foulait la scène de l’OM — ce lieu qui, jadis, ne vibrait pas au son des amplis mais résonnait des applaudissements lors des cérémonies de décorations des ouvriers et employés de Cockerill Sambre.
Ici, on célébrait la sueur, la chaleur des hauts fourneaux, la précision du laminoir – la fierté d’une région façonnée par l’acier.
Et voilà qu’un fils de Manchester, autre cité ouvrière marquée par la fumée des usines et la grisaille industrielle, venait faire chanter ses guitares là où, autrefois, chantait le métal.
Comme un pont invisible entre deux villes forgées par le travail et la musique, deux villes qui ont vu naître bien plus que des chansons : une manière d’exister, de résister.
Ce soir-là, à Seraing, les guitares remplaçaient les marteaux, mais l’énergie, elle, restait la même.
La sirène retentit, un souffle métallique qui traverse la salle comme un rappel lointain des hauts fourneaux. D’un coup, les stroboscopes s’ouvrent, et Johnny attaque Generate! Generate!, riff anguleux, batterie sèche, basse qui talonne. On comprend tout de suite que la soirée sera tendue, précise, physique.
Panic, second titre du set, ouvre le premier clin d’œil aux Smiths – il y en aura en tout six sur les dix-neuf titres joués. Le public répète encore timidement le refrain “Hang the DJ”, comme s’il fallait un instant pour réaliser que ce qu’on entend, ici, à Seraing, c’est bien l’un des hymnes d’une génération.
This Charming Man nous ramène aux débuts du groupe : même éclat, même vélocité, même sourire à demi effacé derrière la guitare. Les titres de la carrière solo de Marr et ceux des Smiths s’enchaînent avec une fluidité remarquable ; cette patte guitaristique, limpide et nerveuse, relie l’ensemble avec une cohérence rare.
Moment d’émotion pure lorsqu’il entame Please, Please, Please Let Me Get What I Want : quelques visages se figent, d’autres ferment les yeux. Puis vient le moment d’immersion totale avec le somptueux Walk Into the Sea, extrait de Call the Comet (2018), un titre qui prend une dimension supérieure dans cette version scénique envoûtante, presque méditative.
Les classiques Bigmouth Strikes Again et How Soon Is Now? rallument le feu collectif : les visages s’illuminent, les guitares tournent comme des moteurs d’usine, et tout l’OM semble vibrer à l’unisson.
Le concert s’achève sur trois titres en rappel : une reprise bienvenue de The Passenger d’Iggy Pop, suivie de Ophelia, puis d’un final magistral – There Is a Light That Never Goes Out – chanté à pleine voix par un public bouleversé.
Aujourd’hui, Johnny Marr incarne à lui seul l’héritage des Smiths — et il le fait avec une élégance rare.
Quarante ans après leur création, il reste celui qui fait vivre ce répertoire sans le trahir, en restant fidèle à son esprit, à sa musicalité et à sa décence.
Pendant que Morrissey s’enlise de plus en plus dans des prises de position politiques radicales, flirtant avec les discours d’extrême droite et “anti-woke” qui ont profondément divisé son public, Marr, lui, poursuit son chemin avec discrétion, loyauté et respect.
Et ce soir à Seraing, c’était une évidence : on n’avait clairement pas besoin de Morrissey.
Les chansons parlaient d’elles-mêmes, débarrassées du vernis et des postures. Il ne restait que leur beauté, leurs mélodies, et cette émotion intacte qui, le temps d’un concert, rassemblait tout le monde du même côté — celui de la musique.
(Patti Smith au Cirque Royal de Bruxelles, concert du 15 octobre, photo par Laurent Rieppi)
Patti Smith et son groupe assurent la promotion de Horses, leur tout premier album, sorti quelques mois plus tôt. Plusieurs concerts marquent cette première tournée européenne, dont des dates à Bruxelles 🎤. Des images mythiques seront d’ailleurs immortalisées par la RTBF lors de son passage au Cirque Royal, en octobre de cette même année.
Quarante-neuf ans plus tard, Horses est devenu une pierre angulaire de l’histoire du rock. À l’aube de son 50e anniversaire, une réédition spéciale vient d’être annoncée… et Patti revient sur les planches du Cirque Royal pour rejouer l’intégralité de cet album fondateur, accompagnée de quelques classiques de son répertoire 🔥.
À 78 ans, la chanteuse, musicienne et poétesse ne semble avoir rien perdu de sa fougue. Ses longs cheveux blancs virevoltent au rythme d’un Gloria incandescent, véritable exorcisme collectif. En quelques minutes, tout le monde est conquis.
Mais ce sont les deux titres les plus « ouverts » de Horses – les poétiques et déstructurés Birdland et Land – qui nous transportent ailleurs 🌙. Patti déploie cette énergie quasi chamanique qui la relie à son public. La salle tout entière entre en transe, nos mains battent la mesure sans même y penser, comme si la pulsation de la musique s’était fondue dans celle de notre cœur.
On rit, on pleure, on se libère. La musique devient catharsis : elle extirpe nos douleurs, nous soigne, nous redonne de l’espoir ❤️. Et dans ce moment suspendu, on se surprend à se souvenir… D’une chambre d’ado, d’un vieux vinyle un peu râpé, écouté en boucle la nuit, à la lumière d’une lampe de chevet 💿. De ce sentiment d’intimité absolue, cette communion entre l’artiste et celui ou celle qui écoute.
Entre deux titres, Patti évoque les fantômes qui l’accompagnent : Jim Morrison sur Break It Up, Jimi Hendrix sur Elegy, son mari Fred « Sonic » Smith parti trop tôt, et les poètes Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, qui semblent hanter les rues de Bruxelles aux côtés du personnage de Johnny, héros de Land.
Après avoir tout donné pendant quarante-cinq minutes, Patti quitte la scène pour une courte pause. Ses musiciens, menés par l’indéfectible Lenny Kaye (à ses côtés depuis le début des années 70) et son fils Jackson Smith, rendent alors hommage à Television, revisitant quelques notes de Marquee Moon 🎸.
Elle revient enfin pour un final vibrant : Because The Night embrase la salle, portée par une énergie viscérale et une ferveur intacte. Puis vient People Have The Power, repris en chœur par tout le Cirque Royal comme une prière collective 🙌. Le poing levé, le public quitte la salle empli d’une force nouvelle, presque régénéré.
J’étais déjà présent ici-même en 2023 pour un concert de Patti en formation trio. C’était intense, bouleversant même. Mais hier soir, on a franchi un cap. C’était plus qu’un concert : un rituel.
For me, this album stands as one of Bowie’s most underrated masterpieces. A few reasons why it remains essential:
• A dark and fascinating concept
Outside tells the story of detective Nathan Adler investigating a serial killer who turns murder into art. Released in the mid-90s, it echoed the era’s obsession with serial killer thrillers (The Silence of the Lambs, Seven, Copycat…), with “Hearts Filthy Lesson” even closing Fincher’s Seven.
• The return of Bowie and Brian Eno
For the first time since the Berlin trilogy (Low, “Heroes”, Lodger), Bowie reunited with Eno. The sessions were filmed, musicians wore cameras, Bowie painted while listening to the music… it was pure experimentation, with no commercial compromise, continuing the creative freedom he had rediscovered with Tin Machine.
• Total sonic freedom
Industrial rock textures, electronic landscapes, improvisations. Bowie was clearly influenced by Nine Inch Nails, later inviting Trent Reznor and his band to join his US tour, leading to some remarkable on-stage collaborations.
• Cinematic echoes
Two years later, David Lynch used “I’m Deranged” in the unforgettable opening of Lost Highway.
• An unfinished mystery
Subtitled Outside 1, the album was meant to have a sequel. The legendary Leon Suites, circulating today on YouTube, reveal an even more experimental side of those sessions.
As time goes on, Outside feels more and more like a visionary piece of work, both disturbing and prophetic.
Un album que je place très haut dans sa discographie, et qui reste, à mes yeux, l’un de ses chefs-d’œuvre les plus méconnus. Quelques raisons qui le rendent indispensable :
Un concept sombre et fascinant
Outside raconte l’enquête du détective Nathan Adler sur un tueur en série transformant le crime en art. Nous sommes au milieu des années 90, en pleine vague de thrillers obsédés par les serial killers (The Silence of the Lambs, Seven, Copycat…), et le titre “Hearts Filthy Lesson” résonne jusque dans le générique de fin de Seven de David Fincher.
Le grand retour du duo Bowie / Brian Eno
Après la trilogie berlinoise (Low, “Heroes”, Lodger), Bowie et Eno renouent enfin. Leurs sessions sont entièrement filmées, les musiciens portent parfois des caméras, Bowie peint en direct… un véritable laboratoire de création sans concession commerciale, prolongeant l’élan expérimental amorcé avec Tin Machine.
Une liberté sonore totale
Rock industriel, ambiances électroniques, improvisations. Bowie s’inspire de Nine Inch Nails, qu’il invitera d’ailleurs sur la tournée américaine. Ces rencontres donneront des duos habités avec Trent Reznor.
Des éclats qui marquent le cinéma
Deux ans plus tard, David Lynch choisit “I’m Deranged” pour l’ouverture hypnotique de Lost Highway.
Un projet inachevé qui alimente le mystère
Sous-titré Outside 1, l’album devait connaître une suite. Des fragments inédits, les fameuses Leon Suites, circulent aujourd’hui sur YouTube et dévoilent l’approche encore plus libre de ces sessions.
Plus les années passent, plus Outside s’impose comme un chef-d’œuvre visionnaire, une plongée dans un futur sombre qui ressemble étrangement à notre présent.
Ce samedi marquera une étape particulière dans l’aventure des Samedis du Rock : la dernière conférence donnée dans les murs du B3, à Liège. Après plusieurs années d’échanges passionnés, d’anecdotes, de découvertes et de complicité avec un public fidèle, il est temps de tourner la page dans ce lieu qui nous aura tant donné.
Pour conclure en beauté, nous avons choisi un thème à la hauteur de l’événement : Queen et Freddie Mercury, avec un focus particulier sur les 50 ans de l’album A Night At The Opera et de “Bohemian Rhapsody”. Un sujet qui symbolise parfaitement ce mélange d’histoire musicale, de créativité démesurée et d’émotion partagée qui a toujours été au cœur des Samedis du Rock.
Présentée en duo avec mon ami Pierre Bartholomé, cette conférence sera l’occasion de revisiter l’épopée d’un groupe légendaire, mais aussi de partager une dernière fois cette atmosphère unique qui a fait le charme du B3.
Bien sûr, la fin d’un cycle ne signifie pas la fin de l’aventure. D’autres projets sont déjà en gestation, sous d’autres formes et dans d’autres lieux. Mais avant de nous tourner vers l’avenir, nous tenions à saluer le chemin parcouru et à remercier toutes celles et ceux qui, samedi après samedi, ont contribué à faire de ce rendez-vous un moment incontournable.
🎸 Rendez-vous donc ce samedi 6 septembre 2025 à 11h au B3, à Liège, pour une ultime escale rock’n’roll en compagnie de Queen et Freddie Mercury.
Clive Langer is one of the key figures behind the sound of British pop and new wave. Alongside his longtime partner Alan Winstanley, he produced Madness, Dexys Midnight Runners (Come On Eileen), worked with Elvis Costello, Morrissey… and, of course, David Bowie. As a musician, he was also part of Liverpool’s Big in Japan in the late 1970s, crossing paths with many of the scene’s defining movements.
In the summer of 1985, Langer suddenly found himself at the heart of Live Aid. A few months earlier, neither David Bowie nor Mick Jagger had taken part in the Band Aid single Do They Know It’s Christmas?. To join the charitable momentum, they decided to record a duet version of Dancing in the Street. It was done almost off-the-cuff, squeezed in between takes of Absolute Beginners. The result? A video broadcast on July 13 during the concert, and a single that became one of Live Aid’s most kitsch – yet iconic – symbols.
In 2020, I had the chance to interview Clive Langer. With Bowie having passed away in 2016, his recollections now carry even more weight, shedding light on the humanity and spontaneity behind one of the most memorable – and unlikely – collaborations of the 1980s.
How did you first start working with David Bowie on Absolute Beginners?
“I’d known Julian Temple, the director, since my younger years. When he launched the film Absolute Beginners, he brought in Alan Winstanley and myself to produce the music. David Bowie got involved, and to our surprise, he agreed to work with us. The first time he played us his demo of Absolute Beginners, recorded at Abbey Road, it was already a potential hit.”
And it was during those sessions that Dancing in the Street was born?
“Yes. One day, while we were working on Absolute Beginners, David came to me and said: ‘There’s this charity concert, Live Aid. Can we record Dancing in the Street this afternoon with Mick? Don’t worry, it’s only for a video, not for a single…’ (laughs). So we ended up recording Absolute Beginners and Dancing in the Street the same day, in the same studio.”
What was the atmosphere like that day?
“It was quite something, of course. Jagger is more aloof – he’s Mick Jagger all the time. David, on the other hand, could just be ‘David’, and then become David Bowie again. But the chemistry worked. Jagger came into the room, heard the backing track, and immediately started dancing. That put everyone in the mood.”
Did you keep in touch with Bowie after that session?
“Yes, quite often. We’d go out for dinners in London while doing overdubs, I even bumped into him skiing. I remember one New Year’s Eve with him, Iggy Pop and some other friends. He could call me at any time – one day my wife picked up the phone and said: ‘It’s David Bowie on the line!’ (laughs). He was very approachable, warm, someone who was simply great to spend time with.”
A duet turned into a symbol
Recorded in just a few hours, almost by chance, the Bowie–Jagger duet exceeded all expectations. Broadcast on the giant Live Aid screens and later released as a single, Dancing in the Street became a global charity anthem. Today, with Bowie’s legacy towering ever higher since his death in 2016, Clive Langer’s words bring us back to the spontaneity and joy of that moment – a reminder of the unique energy Bowie carried into every collaboration.
Back in the news
To mark the 40th anniversary, a special 12″ white vinyl reissue was released on 29 August 2025. This collector’s edition brings together, for the very first time, all the official mixes – the Clearmountain Mix, instrumental, Steve Thompson Mix, edit and dub – and nearly 30% of proceeds will be donated by David Bowie estate, Jagger and Parlophone to The Band Aid Charitable Trust . A perfect opportunity to rediscover this one-off collaboration in a collector’s format.
Quand Bowie et Jagger ont dansé dans la rue – Clive Langer (producteur) raconte
Clive Langer est un producteur incontournable de la scène britannique. Avec son complice Alan Winstanley, il a façonné le son de Madness, Dexys Midnight Runners (Come On Eileen), travaillé avec Elvis Costello, Morrissey… et bien sûr David Bowie. Avant tout, il fut musicien au sein de Big in Japan dans le Liverpool fin des années 70, traversant ainsi les grands courants pop et new wave.
À l’été 1985, il se retrouve plongé dans l’aventure Live Aid. Quelques mois plus tôt, David Bowie et Mick Jagger n’avaient pas participé au single caritatif Do They Know It’s Christmas?. Pour s’associer au mouvement Band Aid, ils enregistrent en duo une reprise de Dancing in the Street — un enregistrement éclair, presque improvisé, en marge des sessions d’Absolute Beginners. Le résultat ? Une vidéo diffusée le 13 juillet pendant le concert, et un single devenu l’un des symboles un peu kitsch mais emblématiques de Live Aid.
En 2020, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Clive Langer. Voici ses souvenirs de ce moment assez incroyable.
Comment avez-vous commencé à travailler avec David Bowie sur Absolute Beginners ?
« J’ai connu Julian Temple, le réalisateur, dès mes jeunes années. Quand il a lancé le film Absolute Beginners, il a fait appel à Alan Winstanley et moi pour produire la musique. David Bowie s’est retrouvé impliqué, et à notre grande surprise, il a accepté de travailler avec nous. La première fois qu’il nous a fait écouter sa démo d’Absolute Beginners, à Abbey Road, c’était déjà un hit potentiel. »
Et c’est pendant ces sessions qu’est né Dancing in the Street ?
« Oui. Un jour, alors qu’on travaillait sur Absolute Beginners, David est venu me voir et m’a dit : “Il y a ce concert caritatif, Live Aid. Est-ce qu’on peut enregistrer Dancing in the Street cet après-midi avec Mick ? Mais ne t’inquiète pas, ce ne sera que pour une vidéo, pas un single…” (rires). On a donc enregistré Absolute Beginners et Dancing in the Street le même jour, dans le même studio.*
Quelle était l’ambiance ce jour-là ?
« C’était impressionnant, évidemment. Jagger est plus distant, il est Mick Jagger en permanence. David, lui, pouvait redevenir simplement “David”, puis redevenir David Bowie. Mais l’alchimie a pris. Jagger est entré dans la pièce, a entendu le playback, et s’est mis à danser immédiatement. Ça a mis tout le monde dans le rythme. »
Vous avez gardé contact avec Bowie après cette session ?
« Oui, assez souvent. On sortait dîner à Londres pendant les overdubs, je l’ai même croisé au ski. Je me souviens d’un Nouvel An passé avec lui, Iggy Pop et d’autres amis. Il pouvait m’appeler à n’importe quelle heure – ma femme décroche un jour, et me dit : “C’est David Bowie au téléphone !” (rires). C’était quelqu’un de très accessible, chaleureux, avec qui il faisait bon passer du temps. »
Un duo devenu symbole
Enregistré en quelques heures, presque par hasard, le duo entre Bowie et Jagger a dépassé toutes les attentes. Diffusé sur les écrans géants de Live Aid, puis sorti en single, Dancing in the Street devint un hymne caritatif planétaire. Plus de trente ans plus tard, Clive Langer se souvient encore de cette journée surréaliste où deux légendes du rock ont uni leurs voix pour la bonne cause
Et aujourd’hui dans l’actualité
Pour marquer le 40ᵉ anniversaire, une édition spéciale en vinyle blanc 12″ sortira le 29 août 2025. Cette galette collector rassemble pour la première fois tous les mixes officiels – Clearmountain Mix, instrumental, Steve Thompson Mix, edit et dub – et près de 30 % du prix de vente sera reversé par Jagger, l’héritage de Bowie et Parlophone à The Band Aid Charitable Trust. Une excellente occasion de redécouvrir ce moment unique, dans un format à collectionner.
Je suis tombé sur une pépite sur les plateformes de streaming légales : un live intitulé At Beacon Theatre — probablement une sortie semi-officielle — qui capture une performance historique au Beacon Theatre de Broadway, New York, enregistrée pour la radio à l’époque.
Ce concert s’est tenu le 23 juin 2006 dans le cadre d’un événement caritatif pour venir en aide à Arthur Lee, chanteur et leader du groupe Love, alors en pleine bataille contre la leucémie. Malheureusement, il décédera six semaines plus tard.
Pour l’occasion, Robert Plant était accompagné par The Ratt Band, un groupe de musiciens de haut niveau ayant collaboré avec John Mellencamp, Patti Smith ou Paul McCartney. Parmi les invités, on retrouve Ian Hunter (Mott The Hoople) et, surtout, une setlist des plus singulières.
Plusieurs titres de Love sont interprétés en hommage à Arthur Lee, notamment des morceaux du chef-d’œuvre psychédélique Forever Changes (1967). Plant revisite également quelques perles du répertoire de Led Zeppelin — In The Light, What Is And What Should Never Be, Ramble On — ainsi que des classiques californiens de la fin des années 60 : For What It’s Worth (Buffalo Springfield), Hey Joe ou encore une poignante version de Can’t Help Falling In Love d’Elvis Presley.
Le live n’est pas exempt d’imperfections : un petit larsen ici, un Ian Hunter qui monte sur scène avec un peu de retard… On est loin d’un enregistrement « retouché » ou trop lisse. Ici, rien que de l’authentique, une sincérité brute. Un Plant qui signe une véritable lettre d’amour au rock psyché californien des sixties qu’il affectionne tant… et tend la main à l’une de ses idoles. À noter également la présence du guitariste de Love, Johnny Echols, sur plusieurs titres.
Bref, c’est comme un vin : pas trop rond, pas trop parfait, pas juste charmeur… mais un diamant brut, avec du caractère et de petites aspérités qui le rendent profondément humain. Une pépite à découvrir absolument.
Si vous êtes fans de The Kinks, le nom de Muswell Hill vous évoque forcément quelque chose. C’est d’abord le titre de leur dixième album, Muswell Hillbillies (1971). Mais c’est surtout le quartier verdoyant du nord de Londres où ont grandi les turbulents frères Davies, Ray et Dave.
Dans les années 50 et 60, Muswell Hill ressemblait à un village tranquille, avec ses rues bordées d’arbres, ses pubs et ses petites boutiques. Un décor typiquement anglais, confortable mais parfois étouffant. C’est dans cette atmosphère, entre nostalgie et envie d’évasion, que les Kinks ont façonné leur univers, mélange unique d’observations sociales et de mélodies irrésistibles. Des influences qui feront d’eux les parrains spirituels de formations comme Blur, Kaiser Chiefs ou Franz Ferdinand.
Paradoxalement, leurs racines ne se trouvent pas dans un quartier dur, mais dans cette banlieue moyenne, paisible et bourgeoise.
L’ambiance des pubs britanniques fait partie intégrante de l’ADN des Kinks. C’est donc au Clissold Arms, situé juste en face de la maison familiale, que Ray (16 ans) et Dave (13 ans) donnent leur tout premier concert en décembre 1960. Le concert est organisé par leur père, Fred Davies, un personnage haut en couleur. Toujours jovial malgré ses difficultés financières, Fred jouait du banjo, organisait de grandes fêtes musicales et transformait chaque soirée en un petit cabaret familial.
Ce climat festif, chaleureux et typiquement british imprégnera durablement les futures compositions de Ray Davies.
Quel plaisir que de parcourir les rues de Muswell Hill, sur les traces de cette histoire qui m’accompagne depuis l’adolescence ! Aujourd’hui, le quartier est toujours aussi verdoyant, mais il a changé de visage : plus chic, plus « bobo », avec ses boutiques tendance, ses restaurants cosy et ses magasins de seconde main aux profits caritatifs. Un cadre agréable… mais aux prix immobiliers exorbitants.
Le point d’orgue de ma visite fut évidemment le célèbre Clissold Arms. Impossible de le manquer : une plaque fièrement posée rappelle qu’il est « The Home of The Kinks ». Aujourd’hui, le pub mêle tradition anglaise et spécialités grecques. Le patron, chaleureux, me confie qu’ils sont en lice pour le titre de meilleur pub anglais 2025. Fingers crossed!
Seul petit regret : la fameuse Kinks Room, salle historique où tout a commencé, était ce jour-là privatisée pour un tournoi de backgammon. Heureusement, le propriétaire, compréhensif, négocia mon entrée discrète.
L’espace, préservé dans son jus, respire encore l’époque des débuts : chaises en bois usées, vieux canapé… On imagine sans peine les jeunes Davies et leurs proches assister à ce premier concert, sans deviner qu’ils allaient devenir l’une des plus grandes fiertés britanniques, créateurs de futurs classiques comme « You Really Got Me », « Sunny Afternoon », « Waterloo Sunset », « Lola », « Victoria » et tant d’autres.
Le patron me confie ne pas avoir revu Ray Davies depuis un an et demi, ajoutant qu’à sa dernière visite il « semblait très vieux ». Une remarque qui m’a serré le cœur. Il précise aussi qu’un petit-fils de Ray fréquente régulièrement le pub, et que des concerts hommage aux Kinks y sont organisés.
En sortant du Clissold Arms, impossible de ne pas ressentir cette émotion particulière : celle de se trouver au cœur même d’un lieu où a commencé une légende.
(English version)
If you’re a fan of The Kinks, the name Muswell Hill will instantly ring a bell. It’s first and foremost the title of their tenth album, Muswell Hillbillies (1971). But above all, it’s the leafy North London neighborhood where the unruly Davies brothers, Ray and Dave, grew up.
In the 1950s and 60s, Muswell Hill looked like a quiet village, with tree-lined streets, pubs, and little shops. A typically English setting — cozy, but sometimes stifling. It was in this atmosphere, caught between nostalgia and the urge to escape, that The Kinks shaped their universe: a unique mix of social observation and irresistible melodies. These influences would later make them the spiritual godfathers of bands like Blur, Kaiser Chiefs, or Franz Ferdinand.
Paradoxically, their roots weren’t in a tough working-class district but in this rather middle-class, peaceful suburb.
The atmosphere of British pubs is deeply ingrained in The Kinks’ DNA. It was at the Clissold Arms, located right across from the family home, that Ray (16) and Dave (13) played their very first concert in December 1960. The show was organized by their father, Fred Davies, a colorful character. Always cheerful despite financial struggles, Fred played the banjo, threw big musical parties, and turned every evening into a small family cabaret.
That festive, warm, and quintessentially British climate would leave a lasting mark on Ray Davies’s future songwriting.
What a joy it is to walk through the streets of Muswell Hill, tracing a story that has been part of my life since adolescence! Today, the neighborhood is still leafy, but its face has changed: more upscale, more “boho,” with trendy boutiques, cozy restaurants, and charity-run second-hand shops. A pleasant setting… though with sky-high real estate prices.
The highlight of my visit was, of course, the famous Clissold Arms. Impossible to miss: a plaque proudly proclaims it as “The Home of The Kinks.” Today, the pub blends English tradition with Greek specialties. The friendly landlord told me they’re in the running for the title of Best English Pub 2025. Fingers crossed!
My only regret: the legendary Kinks Room, the historic space where it all began, was booked that day for a backgammon tournament. Luckily, the owner kindly arranged for me to slip in discreetly.
The room, preserved in its original spirit, still breathes the atmosphere of those early days: worn wooden chairs, an old sofa… You can easily imagine the young Davies brothers and their friends at that first concert, unaware they were about to become one of Britain’s greatest prides, creators of future classics like “You Really Got Me,” “Sunny Afternoon,” “Waterloo Sunset,” “Lola,” “Victoria,” and so many more.
The landlord mentioned he hasn’t seen Ray Davies for about a year and a half, adding that on his last visit “he looked very old.” A remark that tugged at my heart. He also explained that one of Ray’s grandsons is a regular at the pub, and that tribute concerts to The Kinks are still organized there.
Walking out of the Clissold Arms, it was impossible not to feel that special emotion: the thrill of standing at the very heart of a place where a legend was born.